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05

Une leçon de Lanzarote

Lanzarote n’est pas une exception, mais un miroir. Ce qui s’y joue annonce d’autres territoires. Le manque d’eau n’est plus seulement insulaire : il devient mondial.

 

Mes trois pièces — cruche, cruche sculpturale, bol surélevé — ne sont pas des solutions, mais des signes. Elles rappellent ce paradoxe : fabriquer des récipients pour une eau insaisissable. Porter la mémoire d’un usage, tout en refusant sa fonction.

 

De Lanzarote, j’emporte une certitude : la fragilité n’est pas faiblesse. Elle est une vérité, une ressource même. Elle oblige à inventer, à respecter, à partager.

Elle nous apprend à penser l’art non comme permanence, mais comme vigilance.

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04

L’eau comme bien commun, l’eau comme fracture

À Lanzarote, chaque goutte est politique.

Hier, elle relevait de l’ingéniosité collective : citernes, murets, architectures pensées pour capter l’invisible. Aujourd’hui, elle dépend d’usines de dessalement : coûteuses, énergivores, vulnérables. L’eau n’est plus don du ciel mais produit industriel.

 

Cette situation révèle une fracture : ce qui devrait être partagé devient rare, contrôlé, marchandisé. L’eau, bien commun par excellence, devient ressource fragile, sujette aux inégalités et aux tensions.

 

Dans ce contexte, mes pièces prennent une valeur d’avertissement. Leur précarité reflète celle de l’eau : toutes deux tiennent à peu de choses, toutes deux peuvent disparaître. Leur effritement dit en silence ce que l’île crie : sans eau, il n’y a pas de vie, pas de culture, pas d’avenir.

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03

Le cycle de l’eau, le cycle de la terre

Toute jarre naît d’un dialogue entre la terre et l’eau : modeler l’une pour accueillir l’autre. Mais ici, ce dialogue se retourne.

Mes pièces, grandes et ouvertes, semblent prêtes à recevoir l’eau. Pourtant, elles l’absorbent, se fissurent, se délient. L’eau ne les remplit pas, elle les défait.

 

Ce cycle dit une vérité simple : rien ne nous appartient. Ni la terre, ni l’eau, ni même l’objet que l’on fabrique. En refusant la cuisson, je laisse mes pièces dans cet état précaire qui reflète la condition même de l’île : une ressource vitale toujours en sursis.

 

Chaque pièce devient ainsi une métaphore : fragile comme l’eau, mais aussi soumise à son pouvoir. Car c’est elle, paradoxalement, qui détient la force de les anéantir.

 

Ces objets ne sont donc pas des formes figées, mais des présences provisoires. Des figures de cycle, où s’éprouvent impermanence, retour et transformation.

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02

Théâtre Domestique : prolongement et bascule

Théâtre Domestique est né d’une volonté : élever l’objet d’usage, le faire passer du quotidien vers l’univers du regard. Vases, cruches, bols devenaient dans mon travail des figures silencieuses, presque théâtrales. Acteurs d’une scène domestique imaginaire, ils incarnaient une tension entre utilité et contemplation.

À Lanzarote, cette scène a changé. Elle est plus nue, plus rude, plus urgente.

Les pièces réalisées — une grande cruche traditionnelle, une cruche sculpturale, un grand bol surélevé — empruntent leurs formes au répertoire ancestral de l’île. Mais elles détournent leur fonction : elles ne contiennent pas, elles témoignent.

Car j’ai choisi de les laisser non cuites.

Ce refus de la cuisson n’est pas un accident mais un parti pris : ne pas figer la matière, accepter sa vulnérabilité. Ces pièces existent dans un état instable, comme l’eau qu’elles évoquent. Elles sont faites pour contenir, mais ne le feront jamais : l’eau les détruirait, les ramenant à la terre.

Ainsi, à Lanzarote, Théâtre Domestique bascule. L’objet n’est plus seulement acteur d’une scène intime : il devient témoin d’une urgence collective.

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Residency

Théâtre Domestique à Lanzarote 

À Lanzarote, l’eau n’existe presque pas : elle doit être captée, inventée, transformée.

C’est de cette absence que ce projet est né.

 

Dans le contexte de ma résidence à Hektor en août 2025, j’ai choisi de poursuivre Théâtre Domestique en laissant mes objets dans un état de précarité volontaire : non cuits, fragiles, voués à disparaître.

 

Ces pièces, conçues pour contenir l’eau mais incapables de la retenir, incarnent une métaphore du territoire : elles racontent à la fois l’ingéniosité née du manque et la fragilité d’un bien commun essentiel.

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Lanzarote : une île façonnée par le manque

Lanzarote est une île sans rivière, sans source, sans nappe souterraine.

Depuis toujours, l’eau y est rare. Et cette rareté a façonné le territoire autant que les vents ou les volcans.

 

Chaque goutte compte. Les aljibes — grandes citernes enterrées — recueillent la pluie grâce à des toits en pente douce. Des murets de lave protègent les plantations du vent et retiennent l’humidité nocturne. Le sol noir du picón, poreux et volcanique, capte la rosée. Ici, on cultive sans pluie. On vit dans l’attente.

 

Ces gestes vernaculaires forment une intelligence du manque : une économie de moyens, une attention constante, une inventivité née de la nécessité.

Aujourd’hui, pourtant, l’île dépend presque entièrement du dessalement de l’eau de mer — une technologie coûteuse, fragile, énergivore, mais vitale. Ce basculement révèle une tension contemporaine : comment habiter un territoire dont la ressource essentielle n’existe pas ?

 

Lanzarote est une île façonnée par son absence d’eau. Ce manque n’est pas seulement une donnée climatique, mais une mémoire collective et une question politique. Et peut-être même, un point de départ pour penser autrement nos gestes, nos formes, nos objets.

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